Méditation : Comprendre la distraction en pleine conscience

La semaine dernière, lors d’une retraite d’enseignement sur la méditation de pleine conscience à Budapest en Hongrie, nous avons eu avec les participants de nombreux échanges sur les difficultés qui peuvent s’élever lors des sessions.

Sans surprise… les difficultés sont internationales ! C’est surement là que se trouve notre véritable humanité.

Ce qui ressort le plus souvent des échanges, c’est la difficulté à garder l’attention posée sur un support, que ce soit le souffle, le corps ou un objet extérieur ou intérieur.

Très souvent, les participants entendent clairement l’instruction de garder l’attention sur le support, de remarquer si l’attention s’est déplacée vers les pensées, un son, une sensation physique ou autre et de ramener l’attention sur le support utilisé. L’instruction comporte aussi une note sur la bienveillance, le non-jugement et de simplement ramener l’attention sans en faire un problème.

Problème… exactement.

Même si l’instruction est donnée avec la plus grande bienveillance, le sentiment de l’erreur, du « ne pas savoir faire », d’un problème, s’ancre rapidement dans l’esprit du pratiquant. Certains y échappent en laissant l’attention divaguer légèrement tout en gardant une forme de contrôle qui donne une fausse impression de stabilité ; d’autres imposent un contrôle extrême sur le support et créent une tension qui rapidement peut se révéler contre-productive dans le développement de la pleine conscience.

Quoi faire alors ? Reprenons les choses depuis le début.

L’attention est une fonction naturelle de notre fonctionnement cognitif.

Voici une définition de l’attention donnée par le fondateur de la psychologie américaine, William James, en 1890 qui propose une définition de l’attention qui fera école, la décrivant comme « la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […] [impliquant] le retrait de certains objets, afin de traiter les autres plus efficacement […] ». Notons que cette définition rejoint celle de l’approche cognitive d’aujourd’hui.

Pour la suite de notre réflexion, j’utilise une classification qui définit deux types d’attentions :

  • Une attention «endogène» est une attention volontaire, à déterminisme interne, dirigée de manière contrôlée vers un objectif identifié.
  • Une attention «exogène» est automatique, capturée involontairement vers un événement extérieur (un son, un mouvement), ou des événements intérieurs comme des pensées, sensations physiques, etc.

En tant que pratiquant de pleine conscience nous nous appuyons principalement sur l’attention « endogène ». Mais il arrive de temps en temps, très rarement bien sûr 😊, que l’attention « exogène » se manifeste ; c’est le moment que nous qualifions de « distraction ».

Même si cela peut nous sembler gênant, nous devrions prendre en considération que l’attention « exogène » nous a permis en tant qu’espèce de survivre, de prendre conscience de la présence d’un danger, du mouvement furtif du serpent alors que nous savourons notre repas, du mouvement rapide d’un objet avec lequel nous pourrions rentrer en collision, etc.

Partant de ce constat, nous faisons appel lors de nos sessions de pleine conscience à l’attention « endogène », nous entrainant à laisser l’attention se poser simplement et avec détente sur un support, voire en elle-même (lors d’une méditation avec une conscience sans choix par exemple).

Lorsque nous faisons cela surgit rapidement la problématique de la distraction, qui n’est que le fruit de cette attention « exogène » qui automatiquement déplace l’attention vers un bruit, une ombre, un changement de lumière, une sensation physique ou une pensée qui aura une impact affectif suffisant pour stimuler passer d’une attention endogène à une attention exogène.

Nous pourrions en fait considérer que la distraction est quelque chose de totalement naturel, et un signe que nos processus cognitifs attentionnels fonctionnent !

Prenant cette approche, nous pouvons commencer à percevoir la « distraction » lors des sessions de méditation non pas comme un problème mais comme une simple fonction naturelle.

Notre entrainement n’est pas d’éviter la « distraction » mais de développer la capacité de revenir sur le support choisi donc de revenir à l’attention « endogène ».

Cet entrainement dans le temps nous permet de développer une qualité nouvelle : lorsque l’attention se déplace vers une stimulation, alors naturellement l’attention revient sur le support sans effort de notre part. Nous pourrions nommer cela une pleine conscience naturelle sans effort.

Il est important de comprendre comment nous fonctionnons pour comprendre ce qui se passe au cours des sessions de méditation. Nous avons simplement à développer cette capacité à percevoir lorsque l’attention endogène devient exogène, et de revenir alors à l’attention endogène avant de partir créer une histoire, raviver une mémoire ou retourner à notre liste des choses à faire après la session.

Cette perception du changement dans notre mode d’attention se développe avec le temps pour devenir de plus en plus fine et en même temps de plus en plus détendue. En fait, c’est surement le point le plus important : la détente.

Apprendre avec le temps à avoir une attention « endogène » de plus en plus détendue, ouverte qui naturellement va se mettre en place sans effort et qui englobe toute notre expérience d’être humain, tout en gardant cette capacité d’attention exogène sans en être tributaire.

Que pensez-vous de cette approche ? Y-a-t-il d’autres problèmes qui apparaissent dans vos méditations que vous souhaiteriez que nous abordions dans ce blog ?

Stéphane Offort

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